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Patrick Yeu pyeu at the-incubator.com
Wed Sep 16 09:29:35 CEST 2009


Merci vraiment, Jean-Michel, pour cette explication très claire et  
l'énonciation des problématiques afférentes traitées.

Cela étant, la notion de niveaux est, effectivement très pertinente.  
La référence à Bateson ouvre la voie et permet de mettre le doigt sur  
ce qui produit du paradoxe, de la double contrainte amenant au rapport  
de force pour sortir des situations créées (ce qu'ont fait, au plan  
théorique, Whitehead et Russel pour traiter les conflits de niveaux de  
logique introduit par la publication de leur "Principia Mathematica"  
en 1910-1912).

Au plan pratique, on ne communique pas seulement pour communiquer mais  
pour agir (même ceux qui communiquent pour communiquer, agissent).  
Cela illustre, d'une certaine manière le fait que la communication  
implique l'utilisation de moyens pour communiquer et là, on trouve  
plusieurs niveaux. Un niveau technique, un niveau social, culturel et  
politique, un niveau psychologique, etc. Mais j'aurais pu — dû ? —  
prendre les termes de cette énumération indicative dans l'autre sens  
et commencer par le psychologique pour terminer par le technique. Cela  
aurait changé le sens même non  seulement de ce je communique, mais  
aussi de ce sur quoi je communique. Comme l'a souligné fort bien  
Watzlawick, traiter de communication et traiter sur la communication  
ne relève pas du même niveau de logique. L'oublier, créer une  
situation de paradoxe, un "viol de couche" introduisant une double  
contrainte et une situation pathologique. C'est là où "l'invention du  
quotidien" chère à Michel de Certeau intervient. Il a ainsi montré que  
c'est elle qui, dans la durée, permettait de supprimer les doubles  
contraintes, remettant à leur place les utilisations (un niveau de  
logique fondamentalement différent de celui de l'usage - l'inversion  
du sens de ma liste ci-dessus) proposées dans l'urgence par les  
inventeurs et, depuis la révolution industrielle, par le marketing et  
le commercial des entreprises, d'une part, et par les instances de  
régulation des sociétés, d'autre part, dès lors que ces utilisations  
affectent les règles régissant les relations et donc les équilibres  
sur lesquels sont fondés lesdites sociétés et le mode de  
fonctionnement qui définit leur identité, leur régime politique. Et  
c'est là où il importe de ne pas confondre entre le niveau de logique  
"utilisation" (quelles sont les possibilités de la technique),  
exploratoire par nature, et celui de l'usage, définissant, lui, la  
norme sociale...

La difficulté à laquelle nous sommes confrontés vient des effets  
sociaux, cette fois, de la loi de Moore. Le rythme du développement  
technique (la dizaine de mois) ne donne pas le temps réclamé par le  
rythme humain (la dizaine d'années) pour résoudre les tensions et les  
paradoxes liés au changement. Dès lors, poussés par l'urgence  
technique augmentée de l'avidité financière, nous violons à tour de  
bras et à coup d'innovations la couche "sociale", humaine. Au point  
que la question qui va, je l'espère, finir par s'imposer ne sera plus  
celle de mettre fin à telle ou telle crise, mais de mettre fin aux  
"viols de couche" majeurs dont elles ne sont, pour l'essentiel, que  
l'expression.

Je viens de découvrir le message de jefsey ([comptoir 415] daté, chez  
moi, 01:23). Il va me permettre d'aller plus loin et de cerner  
certains problèmes de niveaux de logique et les viols de couche  
correspondant introduit, entre autres, par le numérique, la  
dématérialisation des données et les perspectives industrielles et  
commerciales qui vont avec. Mais aussi, mesurés à cette aune, leurs  
potentialités pour chacun. En attendant, la proposition de Marie- 
France, parce qu'elle introduit la nécessité de penser à soi  et à  
terme, à condition de pouvoir prendre en compte la dimension temps  
qu'elle implique, est de nature à nous sortir de la confusion et donc  
du viol de couche consistant à confondre utilisation et usages et qui  
amène à prendre "parler sur la vie" pour "vivre" avec les conséquences  
que l'on voit aussi bien dans les cités, les trottoirs et même dans  
les bureaux de firmes comme France Télécom

A plus donc. Merci de permettre d'avancer... Il a s'agir de préciser  
sans exclure ce qui est, par essence, un exercice difficile... comme  
on le voit.

Bien cordialement,
Patrick
En attendant, par


Le 15 sept. 2009 à 20:25, jean-michel bernier de portzamparc a écrit :

> Patrick,
> juste une remarque qui peut éclairer pas mal les choses pour toi. Et  
> pour ce que JFC dit sur John Klensin.
>
> Les communications sont comme tu le sais l'objet d'un modèle OSI à  
> sept couches. JFC l'a "étendu" il y a 25 ans pour son boulot du  
> temps. On l'affute actuellement pour bien comprendre l'Intersem, et  
> on le surnomme "sémiophysique" en souvenir de René Thom. Il ajoute  
> deux couches côté utilisateur, ce qu'exploite interplus, et  
> considère les couches mêmes de l'utilisation et de l'utilisateur lui- 
> même et de ses relations.
>
> On discute en fait de la manière d'intégrer les niveaux de Gregory  
> Bateson (ce qui doit te parler), et de voir comment l'énonciation de  
> Culioli peut entrer dans le modèle. Et comment cela affecte l'idée  
> même de modèle. L'idée de l'ISO et de Bateson est simple en fait :  
> entre deux interlocuteurs il y a des liens à plusieurs niveaux que  
> l'on doit traiter de même niveau à même niveau. Si on ne le fait pas  
> on fait un "viol de couche" (layer violation) en communications, et  
> une "double contrainte" et la schizophrénie pour Bateson. C'est donc  
> un bug de raisonnement si on spécifie un protocole. Un truc à  
> devenir fou si on y est confronté.
>
> Dans l'affaire IDNA comme dans tout l'internet on a des impasses de  
> couches (sept couches dans le môdèle OSI, quatre dans le modèle  
> internet), ce qui le rend plus vulnérable au viol de couche. Ainsi,  
> l'internet n'a pas de couche présentation. Or la couche présentation  
> c'est celle qui devrait supporter les espaces linguistiques et donc  
> IDNA, sans besoin d'y perdre 5 minutes. John Klensin et JFC sont à  
> 100% d'accord depuis des années (c'était le mail de Vint qu'on a  
> cité incitant JFC à poursuivre).
>
> On est donc confronté à des choses physiques et logiques qui sont  
> universelles. Et à des choses humaines qui selon les niveaux le sont  
> ou ne le sont plus (ce que tu appelles "local"). C'est là qu'est le  
> problème entre John et JFC, l'un et l'autre ne voulant pas pousser  
> trop dans le détail pour que Vint ne se rende pas trop compte de ce  
> que cela implique selon leurs points de vue.
>
> John est un vieux de la vieille de l'Internet et JFC de l'usage du  
> réseau. John a ainsi très bien défini la limite supérieure de l'IETF  
> en disant que cela s'arrêtait à l'écriture et que les langues  
> étaient hors du périmètre IETF. Vint a acheté ce qui a simplifié les  
> choses pour apprivoiser Unicode. Mais nous Français, et en fait  
> Européens, avons le problème des majuscules qui ne sont pas de hauts  
> de casse. "Etat" et "statut" ne sont pas la même chose.
>
> Le problème est que John a réglé tous les problèmes de détail qui  
> restaient en faisant tout passer à un moment en bas de casse (dans  
> la conversion punycode d'Unicode vers ASCII).
>
> Ainsi nous perdons l'information majuscule supportée par notre  
> utilisation de hauts de casse. C'est en fait un problème général (il  
> y a des problèmes équivalents pour la plus part des langues), qui  
> est celui de l'orthotypographie - la langue dit comment il faut  
> écrire les lettres. Pour John,  il ne veut pas la considérer et il  
> est soutenu par Vint parce que cela pose des problèmes d'indexage  
> pour Google. Pour nous il faut déplacer la frontière IETF/sémantique  
> d'un chouillat. Mais cela veut dire que l'Intersem sera reconnu  
> comme borne supérieure. Tous les gens impliqué et l'AD sont d'accord  
> sur l'idée, mais cela parait prématuré à tout le monde tant qu'on ne  
> l'a pas un peu plus documenté et discuté. Ensuite, s'il est reconnu  
> il faut qu'il soit bien supporté. L'internet actuel ne le peut pas  
> tel qu'il est compris par l'IETF pour l'instant. Mais l'interplus le  
> peut. Or l'interplus n'est qu'une lecture d'un internet tout à fait  
> inchangé, mais selon ce qui a été accepté et testé pour .... IDNA.
>
> Ce sont donc que des problèmes de bonne correspondance de niveaux  
> (machines puis humains) à qui il ne faut pas imposer une double  
> contrainte (écrire Etat "etat" par exemple). On est au coeur de la  
> sémiotique.
>
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