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Patrick Yeu
pyeu at the-incubator.com
Fri Sep 18 20:26:45 CEST 2009
Suite de la réponse à Jean-Michel
Le 16 sept. 2009 à 13:59, jean-michel bernier de portzamparc a écrit :
> La difficulté à laquelle nous sommes confrontés vient des effets
> sociaux, cette fois, de la loi de Moore. Le rythme du développement
> technique (la dizaine de mois) ne donne pas le temps réclamé par le
> rythme humain (la dizaine d'années) pour résoudre les tensions et
> les paradoxes liés au changement. Dès lors, poussés par l'urgence
> technique augmentée de l'avidité financière, nous violons à tour de
> bras et à coup d'innovations la couche "sociale", humaine. Au point
> que la question qui va, je l'espère, finir par s'imposer ne sera
> plus celle de mettre fin à telle ou telle crise, mais de mettre fin
> aux "viols de couche" majeurs dont elles ne sont, pour l'essentiel,
> que l'expression.
>
> Je crois que là nous sommes tous d'accord sur le diagnostique.
Plus que d'un diagnostic, je parlerais plutôt d'un constat
d'incohérence. Le diagnostic, pour moi, devrait porter sur les causes
de ce dysfonctionnement. L'une d'elles est la rationalité précédemment
évoquée. Pour Bertrand Saint-Sernin ("La raison" Paris, PUF, Cool.
Ques sais-je ?, 2003) la rupture effective date de l'entrée en guerre
des Etats-Unis lors du deuxième conflit mondial et, plus
particulièrement, de la mise en œuvre du Manhattan Project visant à la
création et, c'est là où intervient, dans les faits, la rupture, à la
production des deux premières bombes atomiques.
> Peut-être pas sur la solution.
>
> La solution qui me fait adhérer à la recherche de JFC est l'idée
> d'une technologie du côté de la personne qui serve à maitriser la
> technologie des structures communes. Un des (sous?) niveaux dans le
> modèle étendu est l'interface personne/agent (_sa_ machine). L'image
> est simple : la personne utilise son navigateur, qui est en prise
> avec l'autopilote de son "internef", c'est à dire avec toute la
> puissance technologique (navire virtuel) que la personne est la
> seule à pouvoir gouverner à travers son navigateur (passerelle
> virtuelle). C'est cette puissance là qui m'intéresse. Et son côté
> "voile et science-fiction" que je retrouve au volant de ma
> bagnole :-).
C'est là où intervient la nouvelle rupture. En l'état, et le chiffre
d'affaires actuel réalisé par Google, entre autres, celui à venir des
acteurs du Cloud computing doivent rappeler qu'à l'inverse de la
bagnole, rien de ce qui touche aux nouvelles technologies— à part les
factures et les taxes — ne nous appartient ! La machine ? C'est nous
payons l'investissement, les frais de fonctionnement, mais c'est pour
que d'autres exploitent leurs capacités de calcul pour faire de
l'argent ! Les logiciels ? Nous ne sommes pas propriétaires. Nous
disposons tout juste d'une licence d'exploitation — le terme est
redoutablement juste — permettant de corriger les défauts de
conception et de "fabrication" et de fournir les informations
nécessaires pour faire évoluer des produits obligeant à monter en
puissance et donc à changer périodiquement d'ordinateur pour
automatiser et sophistiquer encore davantage, au-delà le plus souvent
des besoins de l'utilisateur. La puissance à laquelle on a accès n'est
que celle que l'on veut bien nous vendre parce qu'elle rapporte aux
fournisseurs.
Tu en doutes ? Imagine un instant que, demain, la grippe A (H1N1)
envoie tout le monde au fond de son lit pour, disons, 3 jours et que,
cette pandémie étant le résultat d'une campagne virale lancée par
l'OSM, (département improbable d'une organisation internationale toute
aussi improbable) et tous les laboratoires pharmaceutiques du monde,
cet accès de fièvre, empêchant tout le monde d'utiliser un ordinateur
et de se connecter, intervienne le même jour partout dans le monde, à
GMT +1 (Cocorico tant qu'à faire). A ton avis, quel serait le CA
réalisé par Google durant ces trois jours ? Parce qu'il ne faut pas
rêver, ceux qui consacrent la valeur ajoutée, ce sont les
utilisateurs, pas Google.
La façon dont les réseaux nationaux de radio se sont imposés en France
mérite qu'on s'y arrête car l'histoire, comme pour l'Internet, vaut
son pesant d'or et illustre parfaitement l'inversion dans laquelle on
nage. Donc le politique libère l'accès au média radio. Cela revient en
pratique à accorder une licence d'exploitation sur une zone
géographique donnée. La délimitation de cette zone détermine alors les
caractéristiques techniques de l'émetteur, mais aussi les
potentialités commerciales de la radio. Reste donc aux animateurs de
la radio a tout faire pour attirer et fidéliser le plus possibles
d'auditeurs potentiels résidants ou passant sur ladite zone et de
commercialiser cette audience aux publicitaires. Le problème, c'est
que les zones géographiques sont trop petites pour permettre de
couvrir les frais de production des programmes à diffuser (une
constante depuis la création, en 1922, de la radio...) Et là, des
petits malins déjà implantés ailleurs, viennent proposer du contenu
pour moins cher que de le produire (et pour cause) contre l'octroi de
l'espace publicitaire correspondant à la durée de diffusion et, comme
on ne recule devant rien, contre rémunération. Moyennant quoi, ces
petits malins vendaient à leurs annonceurs la couverture cumulée de
toutes les stations avec lesquelles elles avaient passé le deal. En
gros et c'est ce qui nous arrive, ces gens-là ont payé — et donc se
sont appauvris au point de couler - au lieu de se faire payer...
En plus, l'exemple de la voiture n'est pas vraiment bon. La nature
même de l'activité n'a rien à voir. D'un côté, on paie pour se
déplacer en utilisant un objet matériel, ; de l'autre, on externalise
ses modes de pensée et l'objet de ses pensées dan des dispositifs dont
l'automatisation vise à capter et donc à asservir. C'est moins Google
qui fait de l'argent que nous qui permettons à Google de faire de
l'argent. Que Google soit plus intelligent que ses concurrents ne
change rien à l'affaire : nous sommes condamnés à être les dindons de
la farce et à être mangés par les petits cochons. C'est inscrit dans
l'économie, top-down du dispositif tel qu'il est conçu et qu'il existe
aujourd'hui et s'il a e si belles dents, c'est pour mieux nous manger...
>
> Si elle est bien conçue cette solution doit être stable (bien moins
> de changement dans le temps des méthodes de manoeuvre), plus
> efficace (les apports technologiques viennent à l'outil, pas
> confuser le pilote), plus protégé (l'internef et son autopilote sont
> suffisament sophistiqués pour absorber - ou casser - les doubles
> contraintes avant qu'elles atteignent la personne, plus contrôlée
> (la personne peut changer ses habitudes par de nouveaux paramètrages
> sans changer son internef) et capable de naviguer sur d'autres
> espaces que le seul internet. Si j'ai bien compris, c'est cela
> traduit en niveaux ad-hoc, l'interplus.
Le jour où on me prouvera que c'est au profit de l'utilisateur et non
pas des prestataires, alors je signe et je marche. Et cela ne sera
possible que le jour où chacun sera capable de définir l'usage qu'il
veut faire, pur lui, de cet outil. En l'état d'éducation et de
formation de chacun, cela relève quelque peu de l'injonction
paradoxale si on ne s'attaque pas, pour commencer, à la proposition
extrêmement précise et pertinente de Marie-France Berny : "N'est il
pas temps pour nous de nous poser des questions au sujet de ce que
voulons numériquement devenir ou pas, et ce que nous devons faire ou
pas pour cela."
Le reste relève de l'ordre de la bataille, de celles nécessaires
politiquement parlant, mais pas de celles qui permettront de remporter
le pompon (la guerre déplaçant le problème et le rendant impossible à
résoudre. Dans cette histoire, il ne peut pas y avoir de perdants sans
faire couler l'ensemble).
Merci pour votre attention et bonne soirée à tous !
Patrick
>
>
> Portzamparc
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