Pourquoi HOMO DEUS de Yuval Noah Harari est un livre majeur pour l’innovation (et pour Homo Sapiens).
- “SAPIENS, une brève histoire de l’humanité”, le premier livre à immense succès de l’historien Yuval Noah Harari, est sorti en anglais en 2014 et en français fin 2015.
- La thèse de l’auteur est que l’Homo Sapiens, l’espèce qui domine le monde sans partage aujourd’hui, la votre très probablement si vous lisez ces lignes, doit son hégémonie à sa capacité à coopérer de façon massive et très flexible. Celle-ci nous a permis de dominer, jusqu’à leur extinction, des espèces plus fortes, et pour certaines plus “intelligentes” comme l’Homo Neandertalis. La soif de croissance de l’espèce Homo Sapiens l’a poussé à éteindre des milliers d’espèces, à endommager la planète de façon irréversible, et souvent au détriment de son propre bonheur.
- L’auteur étaye l’hypothèse que les 5 millions d’humains que comptait la Terre il y a 10000 ans étaient probablement plus heureux que les 200 millions du début de l’ère chrétienne.
- Yuval Noah Harari démontre que la puissance d’Homo Sapiens est due à ses capacités collaboratives, elles-mêmes liées à sa capacité à partager des croyances communes : Religion, Etat, Argent, Droit, Institutions… Et plein d’autres faits passionnants qui font que l’auteur a été traduit en 30 langues et compte des célébrités influentes comme Mark Zuckerberg parmi ses dizaines de millions de lecteurs.
- Bananas in heaven | Yuval Noah Harari | TEDxJaffa
- “HOMO DEUS, une brève histoire de demain”, la suite en quelque sorte, a été publié fin 2016 et est disponible en français depuis septembre 2017. Review.
- Extrapolant les derniers développements de l’innovation, notamment en médecine et en intelligence artificielle, il envisage la suite d’Homo Sapiens sous un jour nouveau. Ces développements récents permettent aux humains un pouvoir décuplé et aussi d’aspirer à la quasi immortalité. Il élabore sur le fait que ce pouvoir accru et la forte augmentation de la durée de vie, dont l’arrivée s’étalera sur quelques décennies, permettront à notre espèce de devenir des super-humains, quasi immortels, ou “Homo Deus”.
- De nombreux ouvrages de “futurologues” anticipent le potentiel des technologies, le QUOI de l’innovation, mais très peu d’ouvrages envisagent le potentiel du SUJET utilisateur de l’innovation qu’est l’homme, et ce qu’il va devenir.
- Concernant l’objet de l’innovation, on sait que la vitesse d’adoption progresse de façon quasi exponentielle, qu’il s’agisse des technologies de l’information, et notamment l’intelligence artificielle, la robotique, la réalité virtuelle, mais aussi les déplacements, l’énergie, la santé ou encore les matériaux. Cela va de plus en plus vite et il n’y a pas de pédale de frein. L’humanité a trouvé (techniquement en tout cas) la clé à ses trois grands fléaux historiques, qui ont décru rapidement dans les dernières décennies : Famine, Epidémies et Guerres. Jusqu’à la contradiction : il y a aujourd’hui trois fois plus de décès dus à l’obésité qu’à la malnutrition. La seule chose que l’innovation ne parvient pas encore bien à faire, c’est réparer la planète, notamment concernant le réchauffement climatique ou la pollution — mais des initiatives existent.
- Concernant l’augmentation de la durée de vie, de nombreuses recherches actuelles visent à identifier tous les ressorts de la longévité, notamment pour permettre de remplacer les organes endommagés, et ils progressent vite. Les fondateurs de Google ont investi massivement dans Calico, une société qui a pour modeste mission de “Résoudre la Mort”. De nombreuses initiatives existent pour faire émerger des “nano-robots” qui viendront surveiller et réparer le corps humain. La maîtrise de la génétique, initialement pour des fins thérapeutiques, aura très rapidement d’autres usages. La bionique, initialement tournée vers la réparation des infirmités, pourra également doter l’Homme de super pouvoirs. Depuis qu’Harari a écrit son livre, Elon Musk a même investi dans un nouveau projet, Neuralink, qui vise à connecter le cerveau et les ordinateurs.
- L’innovation technologique a déjà eu une influence considérable sur le fonctionnement de notre cerveau et de nos interactions sociales.
- Il y a encore 20 ans, nous connaissions tous au moins une dizaine de numéros de téléphone par coeur, aujourd’hui ce sont nos mobiles qui s’en souviennent pour nous. Nous avons externalisé à Google une partie de ce dont le cerveau se souvenait car on sait que nous pouvons le retrouver en quelques secondes. Nous passons nos temps de transport en commun, et d’attente, le nez sur nos mobiles, qui ne servent plus qu’exceptionnellement à téléphoner. Les jeunes détestent devoir se déplacer ou passer un appel pour réserver une prestation : tout doit se faire en ligne. Mais nous ne sommes pas, physiquement, fondamentalement différents de nos ancêtres nés il y a 1000 ans, et dont certains — un très faible nombre — vivaient déjà centenaires.
- Ce qu’Harari souligne, et qui est stupéfiant, est que ces futures technologies vont changer profondément la nature même d’Homo Sapiens en tant qu’espèce, dans la centaine d’année qui vient, ce qui est un temps minuscule par rapport à l’histoire.
- En tout cas ceux qui passeront par cette transformation, vous peut-être si vous lisez ces lignes. Chacun restera vulnérable aux morts violentes, mais vu la vitesse d’évolution des technologies, il apparait que les premiers qui accèderont à cette quasi immortalité sont probablement déjà nés.
- Enfin, la fameuse Singularité, moment où les machines dépasseront dans tous les domaines le fonctionnement du cerveau, va finir par arriver. La première fois où j’ai rencontré Ray Kurzweil en 2005, principal apôtre de la Singularité, il prédisait que ce serait en 2017. Il a prudemment repoussé à 2029 sa prédiction depuis mais la théorie reste parfaitement valide : une fois la singularité dépassée, la vitesse de progression des systèmes d’information vont évoluer de façon exponentiellement plus rapide que les cerveaux humains. Et les “Homo Deus” dont les cerveaux seront connectés à ces systèmes d’information également : ils ne joueront plus dans la même catégorie aux examens universitaires. Pour compléter le tableau de sa divinité, Homo Deus aura la possibilité d’aller se promener dans l’espace grâce à Virgin Galactic.
- Ce transhumanisme pose des questions absolument vertigineuses sur l’évolution de la société, dès 2030, et nous prenons conscience du fait qu’il va falloir revisiter une grande partie de ce que nous croyions savoir, basé sur notre conviction de connaitre le “Sujet” du monde, Homo Sapiens.
- L’auteur montre dans ses deux ouvrages qu’au cours des siècles, Homo Sapiens a fait énormément progresser les conditions matérielles de son existence, mais sans impact statistique fort sur son bonheur, parfois même à son détriment : Homo Deus trouvera-t-il, lui, la clé du bonheur ? Celui-ci peut-il être contrôlé par la biochimie ?
- Yuval Harari n’est plus à proprement parler dans son métier d’historien quand il annonce l’apparition prochaine de cette nouvelle espèce supra-humaine. Mais il ouvre en quelque sorte une nouvelle branche de l’histoire.
- Q&A — The Future of Humanity — with Yuval Noah Harari
- Reste à savoir comment se fera cette transition : les 10 milliards d’individus que comptera prochainement notre planète ne pourront pas tous s’offrir les clés de cette immortalité et de cette technologie décuplant nos pouvoirs.
- Ce sera probablement une infime minorité. Homo Deus cohabitera-t-il durablement avec Homo Sapiens ou notre espèce actuelle disparaitra-t-elle, ce que semble penser Harari ? Rien ne prouve que ce soit inéluctable. Ce qui semble prévaloir dans ce début de XXIè siècle, c’est bien son imprévisibilité, et l’auteur n’est pas le seul à le souligner.
- Jean-François Caillard est COO de NUMA, dont l’objectif est de soutenir les entrepreneurs tech qui se donnent pour mission de répondre aux enjeux mondiaux de 2030. Pour en savoir plus, cliquez ici.
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